Par Owen Charters, président-directeur général, BGC Canada
2 mai, 2023
Tous les jours, en route vers le bureau, je passe devant un bloc d’appartements. Il n’a rien de particulier. Il y a beaucoup d’espaces verts.
En fait, ce bloc fait partie d’un complexe d’appartements dans un décor de parc. Le secteur est appelé Crescent Town. Notre Club de West Scarborough se trouve à la limite de Crescent Town.
Fait intéressant : L’acteur Kiefer Sutherland y a grandi. Ses parents n’avaient pas beaucoup de sous à l’époque, étant acteurs (mais ils s’en sont très bien sortis au final!).
Ces blocs d’appartements sont apparus en période d’après-guerre, et on en retrouve un peu partout au Canada. À Toronto, ces immeubles sont nombreux—près de 1500—et la plupart d’entre eux sont situés en banlieue. Ils sont vétustes. Ils nécessitent des réparations. Leurs systèmes sont inefficaces.
Qu’ont-ils de particulier? Ils sont discrets, anodins. J’ai passé les deux premières années de ma vie dans l’un d’eux, dans le quartier Jane and Finch à Toronto. Ils devaient être des emblèmes de la vie moderne. Mais ils ne le sont plus—ils représentent maintenant une façon de vivre complètement différente.
La pauvreté affecte de nombreux Canadiens, elle arrive tout de même à passer inaperçue. Quand on pense à la pauvreté, on imagine des maisons délabrées, de vieux véhicules qui trônent dans l’entrée. Des quartiers négligés. Mais ce n’est pas le vrai visage de la pauvreté au Canada, c’est plutôt une vision hollywoodienne de la problématique.
La pauvreté, elle se trouve dans des immeubles de logements comme ceux de Crescent Town. J’ai déjà fait du porte-à-porte pour un politicien fédéral dans Thorncliffe Park, un quartier densément peuplé de Toronto où ces immeubles sont présents en grand nombre. Les visages des gens qui répondaient aux portes de ces appartements étaient à l’image de la pauvreté des temps modernes au Canada. Polis. Souvent des femmes. Pour la plupart, de nouveaux arrivants. Pas très enthousiastes à l’idée d’ouvrir la porte à quelqu’un qui ressemble à un représentant du gouvernement. Et très souvent, un chiffon dans une main et du nettoyant dans l’autre – les appartements étaient pour la plupart impeccablement propres. Et plein de vie – très souvent, on pouvait y voir plus d’un visage apparaître dans le châssis.
Leurs vies sont difficiles. Leurs appartements se situent à la limite des zones où le transport en commun est accessible. Les infrastructures sont insuffisantes. En 2017, le revenu moyen des ménages de la Toronto Community Housing (qui possède bon nombre de ces appartements) ne s’élevait qu’à un peu plus de 17 000 $. Mettons encore une fois ce chiffre en perspective : le SFR (seuil de faible revenu) est un calcul du revenu dont a besoin une famille selon sa taille. Si son revenu tombe en dessous de ce seuil, il devient extrêmement difficile pour la famille de subvenir à ses besoins essentiels (logement, denrées alimentaires, etc.). Cette même année, le SFR pour une famille de quatre était de 39 701 $.
Et le phénomène est amplifié par le fait que Toronto crée des quartiers pauvres qui sont de plus en plus isolés du reste de la ville. Dans un article de Centraide intitulé A Tale of Two Torontos, on peut lire qu’à Toronto, « en 1980, il n’y avait que cinq quartiers à très faible revenu et en 2015, il y en avait 88. » Les 13 quartiers hautement prioritaires de Toronto sont caractérisés par une forte concentration d’immeubles de logements datant de la période d’après-guerre.
Malheureusement, la pauvreté est cachée, et le manque d’intégration au reste de la collectivité aggrave les effets de la pauvreté. Et la pandémie, qui a exacerbé la pauvreté et l’isolement dans les collectivités canadiennes, a exposé ces enjeux au grand jour. Nous devons commencer à prendre des mesures pour accroître l’accès, l’intégration, le soutien offert et le nombre de Clubs BGC. Nous devons réduire l’isolement qu’entraîne la pauvreté. Kiefer Sutherland est la vedette de Survivant désigné. Au-delà de son rôle dans la série, pour lui, le titre évoque peut-être plus le fait de s’être sorti de Crescent Town.
On a du pain sur la planche.
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