Par Owen Charters
Le 4 janvier marquait mes cinq ans de travail au sein d’une organisation formidable. Quatre années et des poussières à voyager pour constater tout le travail auquel les Repaires jeunesse se dévouent jour après jour. Cinq ans à voir des communautés portées par leurs Repaires jeunesse.
Le fameux adage « Ça prend un village pour élever un enfant » me vient souvent en tête lorsque je pense à nos Repaires jeunesse. L’expression provient du Nigéria, où de nombreuses communautés reconnaissent que la tâche d’élever un enfant n’est pas seulement la responsabilité des parents; bien d’autres acteurs y ont un rôle à jouer. Toutefois, il ne fait pas de doute que ce concept est menacé, voire révolu. De plus en plus, ce n’est plus le village qui contribue à élever un enfant. Les parents se tournent vers des organisations plus grandes prendre en charge la garde, l’éducation et les activités sportives de leurs enfants. Bien souvent, les grands-parents, oncles, tantes et la famille élargie n’habitent pas la même ville—ou village—qu’eux.
Comme l’a dit Kim Brooks, autrice de nombreux livres sur l’art d’être parent: « De plus en plus, on semble avoir adopté l’idée que la protection des enfants est une quête individualiste, qu’être parent c’est un sport de compétition plutôt qu’une responsabilité collective. » Il existe de nombreuses preuves qui démontrent que les communautés, les quartiers et même les familles sont de plus en plus isolés. Par conséquent, les enfants en souffrent. On délégué la tâche d’élever des enfants à des parents fatigués et surmenés, et on les bombarde d’offres d’institutions qui ne répondent pas à tous les besoins.
Élever des enfants ne devrait pas être une compétition. On doit revenir aux bases et en faire la responsabilité de tout un village. S’il y a une leçon qu’on peut tirer de la pandémie, c’est que ça devient très difficile pour les parents de se débrouiller, de tout gérer lorsque leur cercle devient de plus en plus petit, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’eux (bien souvent, des mères monoparentales) et les enfants. Même si c’est la chose à faire présentement, ce n’est pas vrai que les interactions virtuelles peuvent remplacer le contact humain. Le message qu’on tente de passer avec Débranche et allume ne pourrait être plus d’actualité qu’en ce moment, alors que l’on constate tous les défis que posent l’école à distance et la programmation virtuelle.
Les Repaires jeunesse sont une version moderne de ce village. On accueille à bras ouverts les enfants qui franchissent nos portes. On les connaît. On connaît le quartier, l’école, les familles. On est à l’écoute. Et on s’adapte aux besoins de la communauté plutôt que de créer un cadre institutionnel rigide qui requiert la conformité.
C’est cette idée de village qui m’inspire. C’est quelque chose que ma femme et moi avons toujours voulu pour nos enfants—ils ont besoin d’un programme, d’un groupe qui se moule à eux plutôt qu’eux doivent entrer dans le moule de ce dernier. C’est le coup de pouce dont les parents épuisés ont besoin. Un lieu sûr et accueillant. Un milieu où les jeunes peuvent se forger un avenir prometteur. Un milieu où on ne leur refuse l’accès à aucune opportunité, où personne n’est laissé de côté, où on met toutes les chances de leur côté. C’est une organisation humaine, à l’image d’un village.
Dans la société actuelle, bien trop d’organisations n’offrent pas cet aspect humain, cette image de village. Des processus, des institutions. Les parents/tuteurs sont, plus souvent qu’autrement, confrontés à un casse-tête qu’ils doivent construire en rassemblant des pièces éparpillées ici et là afin de créer quelque chose qui ressemble à un village. Mais c’est difficile de créer un village dans une société qui ne fonctionne plus de cette façon. Quartiers sécurisés, ségrégation croissante des différents quartiers; le village n’est plus très uni.
En créant des opportunités, en offrant des possibilités, les Repaires jeunesse font partie de la solution. J’ai entendu de nombreux parents monoparentaux dire que le Repaire jeunesse était le deuxième parent dans leur famille. On ne remplace pas les parents et on ne fait pas de l’éducation formelle. Mais on vient répondre à tous les autres besoins qui ne sont pas comblés. On est là pour jouer le rôle du village. Pour élever les enfants et les aider à s’épanouir.
On a encore beaucoup à construire, plus de villages à créer. Et malgré la COVID, malgré les défis, on est prêts. Cinq ans, ça peut sembler long, mais c’est comme si c’était hier. Il y a tellement de choses qu’on peut faire, tellement de choses qu’on veut faire. Et tellement d’humains qui se tournent vers nous, qui comptent sur nous—des enfants, des ados, des parents et des communautés tout entières.
On est prêts, on veut et on est capables. J’ai hâte de voir ce que nous réservent les cinq prochaines années.