Par Owen Charters
Nos enfants ont un horaire surchargé. Pour ma femme et moi, la vie en dehors du travail est loin d’être reposante : coordonner les activités, inscrire nos enfants, leur trouver un nouvel équipement quand l’ancien ne fait plus. Nos garçons alternent entre le baseball, le soccer, le patin, le ski, la natation, la musique, le piano et le tutorat. Et ça, ce n’est que l’horaire d’hiver. L’été amène un autre éventail d’activités.
J’y pense beaucoup ces temps-ci parce que, récemment, j’ai lu The Good News About Bad Behaviour: Why Kids Are Less Disciplined Than Ever And What To Do About It par Katherine Reynolds Lewis. L’ouvrage a été publié l’an dernier et c’est la version longue d’un article qui a été publié dans Mother Jones en 2015. Vous pouvez (et vous devriez) lire l’article complet en ligne.
La théorie principale dont il est question dans le livre est que, pour les enfants, la discipline qui met l’accent sur les conséquences et les récompenses ne fonctionne pas, et fonctionne encore moins avec les enfants « les plus difficiles » – ceux qui dérangent, qui ont un comportement plus problématique. On ajoute à ça le fait que les enfants qui ont des problèmes de comportement, qui font de l’anxiété et qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale sont plus nombreux que jamais. Et ça, ça fait peur. Et ce n’est pas seulement lié au fait que les enfants passent de plus en plus de temps devant un écran et ont facilement accès à la technologie. Il semble que ce soit possiblement causé par la façon dont nous élevons nos enfants maintenant; les dangers d’être un « parent hélicoptère », de toujours être là, de « voler » à leur secours au moindre petit problème, et même de ne jamais les laisser échouer.
La nouvelle approche proposée par Katherine Reynolds Lewis pour gérer les difficultés comportementales se base sur un autre livre : The Explosive Child par Ross Greene. La théorie dont il est question dans cet ouvrage veut que les enfants explosent et qu’ils agissent mal parce qu’ils n’ont pas les aptitudes pour faire face à des situations frustrantes. Ils n’ont pas les outils pour se contrôler lorsque les choses ne sont pas faites à leur façon, lorsque quelqu’un est désagréable avec eux, lorsqu’ils sont dépassés par une situation, etc. Et ils n’ont pas les aptitudes pour y arriver parce qu’on ne leur a jamais montré à le faire; on les a plutôt protégés contre ce genre de situations. Par conséquent, ils réagissent aux frustrations en criant, en étant violents et en passant en mode combat-fuite. Notre responsabilité en tant que parents, éducateurs et mentors est de leur donner les outils pour qu’ils soient en mesure d’identifier, de gérer et de surmonter les situations frustrantes de manière productive et socialement acceptable. Cette théorie n’est pas si nouvelle – la version originale de The Explosive Child est sortie en 2001 – mais elle est devenue plus largement acceptée avec les années.
Une autre théorie exposée dans The Good News About Bad Behavior veut que nos enfants sont surchargés. Ils sont constamment supervisés; ils ne vont donc plus jouer dans le bois comme avant, et les parties de basket improvisées dans un terrain vague du quartier ne font plus partie de leur quotidien. Habituellement, lorsqu’une altercation entre deux enfants survient en milieu supervisé, un adulte intervient pour y mettre fin, tandis qu’en milieu non supervisé, les enfants apprennent (à la dure) à tempérer leurs interactions sociales, car ils savent que les altercations ont de vraies (et parfois douloureuses) conséquences. Même s’il n’est pas question pour autant de les laisser s’adonner à des activités non supervisées où les risques de batailles et le danger sont bien présents, il est important que nous soyons conscients que les enfants ont besoin d’espace et de liberté pour être en mesure d’apprendre certaines choses par eux-mêmes, sans qu’un adulte n’intervienne.
Les défenseurs du « jeu risqué » sont de plus en plus nombreux. La Lawson Foundation promeut et finance des projets de jeu risqué. Les « adventure parks », qui ressemblent parfois plus à des cours à « scrap » qu’à des terrains de jeu, se multiplient et, tenez-vous le pour dit, les parents NE sont PAS admis! La recherche suggère que les enfants devraient vivre dans la nature davantage; par exemple, une fois par semaine, la classe de maternelle de mon plus jeune fait l’école en pleine nature quelle que soit la température. Par expérience, quand mes enfants se comportent mal, une marche en plein air a tendance à aider.
Ma femme et moi apprenons tranquillement à lâcher prise, à laisser nos enfants découvrir et faire leurs propres expériences et, par le fait même, à échouer par eux-mêmes. Ce n’est pas facile. Notre instinct nous pousse à être là pour eux, à amortir leur chute. Mais tant Katherine Reynolds Lewis que Ross Greene réitèrent que notre rôle est d’être là pour eux après coup, d’apaiser et de calmer, et d’amener nos enfants à revoir leur comportement de manière à ce que, la prochaine fois, le résultat soit différent. L’objectif est qu’ils apprennent, qu’ils participent et qu’ils sentent qu’ils ont un plus grand contrôle sur leur vie. Bien sûr, comme parents, cela implique que nous sommes moins en contrôle, mais… il faut ce qu’il faut.
Et c’est tout aussi vrai dans mon travail. Les Repaires jeunesse sont sans aucun doute des milieux supervisés. Mais, contrairement à une salle de classe ou à une activité structurée, nos Repaires jeunesse permettent davantage aux enfants d’interagir et d’être confrontés à des situations où ils doivent apprendre à vivre avec d’autres enfants, à gérer eux-mêmes des conflits entre eux, à faire face à certaines frustrations et à faire des compromis. Surtout, les employés des Repaires jeunesse agissent à titre de guides pour aider les enfants à prendre des décisions par eux-mêmes et à découvrir leur capacité à gérer leurs émotions. La meilleure supervision qu’on puisse offrir, c’est une barrière de sécurité plutôt que des directions et des instructions précises. On les laisse découvrir par eux-mêmes tout en limitant les dégâts.
On dit tout le temps que les enfants ont besoin de structure. Et c’est vrai, mais il n’en faut pas trop. Ils ont besoin d’espace pour explorer, développer, découvrir, échouer, essayer et réussir. Et il faut qu’ils le fassent à leur façon, pas à la nôtre.