Par Owen Charters, président-directeur général, BGC Canada
10 mai 2024
J’ai récemment assisté au premier sommet canadien annuel sur la santé mentale à Ottawa, et j’y ai pris part à une table ronde sur la santé mentale des jeunes. Le message qui en est malheureusement ressorti : les jeunes ne vont pas bien.
D’une part, les jeunes arrivent mieux que jamais à reconnaître et à gérer leurs problèmes de santé mentale. Les jeunes connaissent l’existence d’enjeux comme l’anxiété, la dépression, l’automutilation et les idées suicidaires et en parlent sans autant d’hésitation ou de stigmatisation que les générations précédentes. Les jeunes sont en mesure de reconnaître les symptômes d’un déclin de leur santé mentale et les identifient régulièrement. C’est une bonne chose, car avoir conscience d’un problème aide à le régler.
Mais d’autre part, le problème persiste. Il était déjà répandu avant le début de la pandémie, et il est encore pire aujourd’hui. Les jeunes sont vulnérables et influençables. L’invasion des médias sociaux dans leur vie (et la violence, l’intimidation et l’isolement que cela entraîne), la polarisation de la sphère politique, la facilité à obtenir des opioïdes et d’autres substances : tout cela leur rend la vie difficile. Et l’insécurité alimentaire, l’insécurité d’emploi et la précarité du logement sont d’autres facteurs qui viennent aggraver la situation. En outre, deux ans à devoir radicalement éviter les contacts sociaux à cause de la pandémie (qui a frappé dans les années les plus cruciales pour le développement de leur capacité à socialiser) a rendu difficile l’acquisition des compétences sociales nécessaires pour fonctionner efficacement dans la société.
Témoins de ce problème, les Clubs BGC tentent d’aider à y remédier. Et la situation a aussi des répercussions sur la santé mentale de notre personnel. Gérer le stress des jeunes est déjà éprouvant, mais alors que les membres de notre personnel essaient d’être des mentors professionnels, ils doivent en même temps affronter les mêmes problèmes de société qui affectent les jeunes.
Il n’y a pas de solution facile.
Cela dit, dans le cadre de la table ronde à laquelle j’ai participé, nous avons discuté de pistes de solution. Et dans certains cas (dans bien des cas, en fait), la solution, ce sont les Clubs. Mais attention, la solution n’est pas que les Clubs offrent un soutien plus officiel en santé mentale. Il ne s’agit pas non plus d’offrir plus souvent nos programmes comme Bons rebonds ou Muscle ton esprit (même si, disons-le, ça serait formidable). Si vous ne les connaissez pas, sachez que ces programmes consistent explicitement en des réflexions et des discussions sur la santé mentale.
En fait, la solution est que les Clubs soient des Clubs, tout simplement. La santé sociale, c’est la santé mentale. Interagir avec d’autres êtres humains dans un cadre non hiérarchique (sans la pression de l’école, sans le stress des dynamiques familiales) est un moyen incroyablement efficace d’acquérir des aptitudes d’engagement social saines et résilientes et d’améliorer la santé mentale. Pour les adultes, cela peut se faire dans des endroits comme un café, un pub, ou même une ligue sportive locale ou un groupe de course. Pour les jeunes, cela se fait dans des endroits comme les Clubs BGC.
Je ne veux pas avoir l’air de prendre la situation à la légère. Bien sûr, l’engagement social ne suffit pas à éliminer une tendance à l’automutilation ou des idées suicidaires. Ce n’est pas un remède miracle contre la dépression clinique et l’anxiété. Ces problèmes nécessitent le soutien qualifié de personnes professionnelles. Les Clubs peuvent avoir recours à ces services ou y référer les jeunes, ce qu’ils n’hésitent pas à faire.
Mais on observe aujourd’hui une prévalence élevée des problèmes de santé mentale. Même que le New York Times a mis en lumière une récente étude selon laquelle plus on discute de santé mentale avec les jeunes, plus ces mêmes jeunes signalent une détérioration de leur santé mentale. C’est ce qu’on appelle « l’inflation de la prévalence » : plus on parle d’un sujet, plus les gens s’identifient personnellement à l’enjeu dont il est question. C’est un peu comme chercher sur Google de quoi votre mal de gorge pourrait être le symptôme : 12 clics plus tard, vous commencez à croire qu’il ne vous reste que quelques semaines à vivre.
Pour contrer ce phénomène, plus nous discutons de santé mentale et normalisons notre approche à cet égard, plus nous devons aussi normaliser les situations où chaque enfant et ado peut être soi-même et passer du temps avec les autres. Si nous voyons tout sous l’angle de la santé mentale, nous exacerbons le problème. Mais si nous l’intégrons à notre travail et la laissons se fondre dans le décor pour laisser place à une expérience sociale stimulante et axée sur le soutien, les résultats seront meilleurs. Recevoir de l’aide aux devoirs, jouer au basketball, apprendre à cuisiner un nouveau mets… Tout cela constitue une forme de soutien en santé mentale qui ne correspond pas aux modèles officiels de soutien clinique. C’est essentiellement ce que font les Clubs, ce que sont les Clubs.
Malheureusement, nous faisons toujours face à une hausse des problèmes de santé mentale graves. Un plus grand nombre de parents (et pas seulement les parents de jeunes des Clubs) viennent me voir pour demander de l’aide pour leur enfant. J’entends des histoires terribles d’automutilation, de violence et de comportements agressifs, et je vois le désespoir de ces parents qui ne savent pas comment obtenir l’aide qu’il leur faut. Je suis choqué de constater à quel point j’en entends souvent parler dans des contextes sociaux, autour d’un verre ou d’un souper : de plus en plus de familles ont besoin d’aide. Je suis toutefois heureux que celles-ci en parlent et aillent chercher l’aide dont elles ont besoin. En effet, nous continuons de déployer des efforts pour réduire la stigmatisation associée au fait de parler de santé mentale.
Et n’oublions pas que dans les situations les plus difficiles, les Clubs se mobilisent pour fournir un soutien essentiel de première ligne. Plus tôt cette semaine, lorsque j’ai rendu visite à certains Clubs de Toronto, j’ai entendu des histoires bouleversantes sur les effets de la violence liée aux armes à feu sur les jeunes des Clubs (et sur le fait que les familles traumatisées ne reçoivent pas le soutien dont elles ont besoin dans les heures qui suivent une fusillade ou un décès). Les services policiers et municipaux se concentrent sur leur travail, ce qui ne signifie pas que du soutien est offert aux familles en deuil à toute heure du jour ou de la nuit. Ainsi, quand personne n’est là pour la famille, les Clubs le sont. Ils veillent à répondre à ses besoins immédiats et à lui fournir des denrées alimentaires et du réconfort aussi longtemps que nécessaire en cette période de deuil et de traumatisme. La Ville de Toronto fait même appel à certains de nos Clubs pour leur demander de venir en aide à des familles lorsque la Ville elle-même n’est pas en mesure de le faire. D’autres services sociaux ont des heures d’ouverture précises; les Clubs pallient la situation en travaillant jour et nuit pour fournir tout ce qui est nécessaire. Je ne peux pas imaginer une plus grande détresse que celle vécue par un parent qui perd son enfant à la suite d’une fusillade, et je suis troublé d’entendre que les services sociaux ne leur offrent pas ce qu’il leur faut dans ces moments atroces. Ce que je condamne, ce sont nos systèmes déficients; le système de santé mentale ne fournit pas ce dont les gens ont besoin. Mais les Clubs, oui.
La chef de la direction nationale de l’Association canadienne pour la santé mentale, Margaret Eaton, décrit notre système de santé mentale comme une courtepointe effilochée composée de morceaux hétéroclites rapaillés sommairement pour tenter de répondre aux besoins de la population canadienne. Les Clubs sont un élément central de cette courtepointe, et c’est pourquoi il est important que des investissements soient faits dans notre travail et que les services essentiels que les Clubs fournissent aux enfants, aux ados et aux familles soient reconnus.
Aidez BGC Canada à soutenir la santé mentale des jeunes.