Par Owen Charters
Je reviens tout juste de la réserve Eden Valley, qui compte 700 habitants et qui fait partie de la Première nation Bearspaw, qui elle fait partie de la nation Stoney Nakoda. J’ai assisté à la graduation de deux jeunes de la Chief Jacob Bearspaw Memorial School, qui sont aussi membres du Boys & Girls Clubs of the Foothills, au sud de Calgary.
Vendredi dernier, le 21 juin, était la Journée nationale des peuples autochtones, une journée que nous réservons pour reconnaître et célébrer la diversité culturelle des Premières nations, des Inuits et des Métis.
Cette journée est aussi l’occasion de réfléchir au rapport de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Récemment, j’étais en compagnie de Sarah Midanik, une membre de notre conseil d’administration national et PDG du Gord Downie & Chanie Wenjack Fund, pour rencontrer Jocelyn Formsma, directrice générale de l’Association nationale des centres d’amitié (ANCA). Sarah et moi avons discuté de notre travail en matière de réconciliation, et je me suis rappelé mon allocution à l’AGA de l’ANCA, il y a deux ans. Pendant cette allocution, j’avais parlé des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation qui s’adressent à nous, les Repaires jeunesse, spécifiquement:
« Le soixante-sixième appel à l’action concerne la programmation jeunesse et les organismes communautaires jeunesse. Le quatre-vingt-huitième demande des politiques qui reconnaissent l’activité physique comme étant un facteur fondamental de santé et de bien-être. Aux Repaires jeunesse, nous allons élever nos voix pour appuyer ces appels à l’action parce que, chaque jour, dans nos Repaires jeunesse, nous constatons tout le bien que ces programmes peuvent apporter aux enfants et aux ados. »
Voici pourquoi nous devons agir. Ce que j’ai vu à Eden Valley était incroyable; situé au pied des Rocheuses et entouré de terres d’élevage, nous avons célébré la graduation de deux jeunes du secondaire. C’était une célébration dans la communauté, avec des prières, des tambours. Le Chef et le conseil étaient présents, l’officier de la GRC de la communauté était vêtu d’une tunique rouge, le gymnase de l’école était décoré de banderoles et de lumières. Et les gens mangeaient, dansaient. Ces deux jeunes finissants ont réussi à surmonter les défis que pose l’éducation et, comme le Chef l’a si bien dit, ils ont, devant eux, une foule de possibilités qu’ils peuvent maintenant explorer.
Ils sont deux, sur un total de 140 élèves. Ils représentent la moitié d’une classe de cinquième secondaire; les autres n’ont pas réussi à graduer. Et le nombre d’élèves présents en classe quotidiennement est d’environ 40. Les enfants restent souvent à la maison pour toutes sortes de raisons. J’ai vu une enseignante accueillir chaleureusement une étudiante à la graduation… et la réprimander gentiment pour ne pas s’être présentée à l’école au cours des derniers mois.
Le Repaire jeunesse des Foothills travaille à nettoyer l’aréna local afin de pouvoir y offrir des activités étant donné qu’un grand besoin de programmes après l’école et d’activités estivales s’y fait sentir. Ça peut être long et difficile de gagner la confiance de la communauté. Ça demande de la ténacité et beaucoup de diplomatie. Les jeunes en arrachent, certains avec des problèmes du quotidien, d’autres avec des tragédies et des traumatismes plus importants. Mais c’est aussi une communauté d’amour, de traditions, et des familles tout sourire qui accueillent les visiteurs chaleureusement.
C’est au moment de quitter Eden Valley que la réalité m’a rattrapé. Il y a une énorme différence entre la vie sur une réserve et la vie en dehors. C’est tellement différent et la culture y est si particulière qu’il peut s’avérer difficile pour beaucoup de jeunes de quitter leurs terres natales pour faire des études supérieures. Il arrive souvent qu’ils sentent qu’ils n’ont pas leur place dans les collèges et les universités. Leurs familles souhaitent qu’ils reviennent à la maison. En toute honnêteté, il est très probable qu’il n’y ait que très peu d’opportunités au-delà du secondaire pour ces deux nouveaux diplômés. Jodie Sieben, la directrice des opérations du RJ, passe des heures et des heures dans la communauté, chaque jour, à développer des programmes, à tisser des relations. Elle est une éternelle optimiste et, malgré cela, elle a beaucoup de mal à trouver des opportunités pour ces jeunes diplômés. Il y a un long historique de traumatismes intergénérationnels qui continue à faire des ravages.
C’est avec beaucoup d’émotions que j’ai quitté Jodie et Shirley Puttock, la directrice générale du RJ. De retour à l’hôtel, j’ai appelé ma femme et nous avons parlé de tout ce que j’ai vu et vécu pendant ma visite. C’est difficile de savoir quoi faire. De savoir que les Repaires jeunesse font quelque chose, qu’ils font une différence partout au pays, mais aussi que nos efforts peuvent sembler négligeables par rapport à ce que j’ai vu à Eden Valley, et qui arrive dans beaucoup de communautés, de villes, de foyers. C’est un travail ardu d’harmoniser notre rôle en tant que colons ainsi que celui d’aidants, d’alliés.
Et il y a l’indifférence qui est un problème. Il y a ceux qui disent qu’il n’y a pas de jeunes Autochtones dans leur communauté, et donc que la réconciliation ne les concerne pas. Je crois que c’est plutôt le contraire. Justement, puisqu’il n’y a pas de jeunes Autochtones dans un Repaire jeunesse, il faut faire plus d’efforts de réconciliation, pour que ceux qui ne voient pas cette réalité quotidiennement la comprennent.
J’ai grandi à Terre-Neuve et Labrador, et à l’école, on nous apprenait qu’il n’y avait pas d’Autochtones originaires de l’île parce que les colonisateurs, les colons et les gouvernements avaient éliminés tous les Beothuk par une campagne de génocide. Toutefois, de nos jours, il y a beaucoup d’Autochtones qui vivent et qui sont reconnus comme tels à Terre-Neuve et Labrador: il y a toujours eu des Inuits, des Métis, mais il y a aussi une population grandissante de Mi’kmaq. Au Canada, nous sommes entourés par la culture, les terres territoriales, les connaissances, les esprits des peuples autochtones et ce, où que nous soyons. Il est de notre devoir de guider les générations actuelles et futures afin qu’elles reconnaissent et valorisent les racines autochtones et le dynamisme de notre patrimoine partagé. De nos jours, ce n’est plus acceptable de dire que la réconciliation ne nous concerne pas parce qu’on ne connaît personne qui est « clairement » Autochtone. C’est la responsabilité de tous les citoyens de ce pays de reconnaître le passé, de confronter le présent et de bâtir un meilleur avenir.
Nos Repaires jeunesse font déjà beaucoup d’efforts de réconciliation, notamment en offrant des programmes autochtones. Un comité de programmes nationaux travaille déjà en vue de développer une approche globale en matière de réconciliation et de programmation autochtones pour les Repaires jeunesse. Nous souhaitons développer une approche plus large et plus locale en matière de programmes jeunesse et d’initiatives des RJ sur les réserves à travers le pays. J’ai vu les rénovations qui ont été faites au point de service Renfrew du RJ de Calgary la semaine dernière. Les aînés inspectent et bénissent les lieux avant que des inspecteurs de la ville n’y entrent pour faire leur travail. On y trouve une salle ronde qui représente l’intégration des racines culturelles autochtones à l’architecture du Repaire jeunesse.
Ce n’est pas un travail facile. C’est difficile de faire le pont entre des divisions culturelles. C’est difficile de comprendre les complexités, et de prendre le temps de les reconnaître. Mais le temps est venu de célébrer notre patrimoine, de répondre aux appels à l’action de la CVR, tant de manière individuelle qu’en tant qu’organisation. Le slogan du Gord Downie & Chanie Wenjack Fund est Do Something (Faites quelque chose). C’est l’appel à l’action qu’il vous fallait si vous ne saviez pas par où commencer. Faites quelque chose aujourd’hui. Demain, faites-en une de plus. Chaque chose que vous faites est un pas de plus sur la voie de la réconciliation.